Figures de styles …

Les différentes figures de styles d’écritures …

1/ Définition d’une figure de style
Une figure de style est un procédé d’expression qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue. A l’origine, les figures de style sont liées à la rhétorique (l’art du discours) et étaient très utilisées dans le but de convaincre son interlocuteur ou le séduire. La linguistique a identifié plusieurs centaines de figures de style et les a classifiées en différentes catégories. Les figures de style sont employées à la fois à l’écrit et à l’oral. Cet article présente l’histoire de leur théorisation, ainsi que le dialogue qu’elles instaurent entre rhétorique, stylistique et linguistique.
2/ Liste des figures de style et exemples
2.1 Les figures d’analogie
2.1.1 La comparaison en une mise en relation, à l’aide d’un mot de comparaison appelé le « comparatif », de deux réalités, choses, personnes etc. différentes mais partageant des similarités. La comparaison est l’une des plus célèbres figures de style et est très utilisée. Attention à ne pas confondre la figure de style avec la comparaison grammaticale qui est utilisée pour montrer des différences ou des ressemblances. On distingue deux types de comparaison selon Bernard Dupriez : comparaison simple : une comparaison qui n’est pas une image littéraire, elle n’a rien de figuratif. Exemple : « La mère est plus grande que son fils ». comparaison figurative : cette comparaison a une dimension rhétorique et met l’accent sur le comparant. Lorsqu’on parle de figure de style, on évoque ce type de comparaison. Structure : un comparant (appelé parfois le « phore ») : c’est l’objet de la comparaison (une personne, une chose etc.) ; un comparé (appelé parfois le « thème ») : c’est ce qui est comparé par rapport au comparant ; un mot de comparaison, appelé aussi parfois mot-outil, ou « comparatif ». Le mot de comparaison généralement utilisé est « comme ». Exemples : « le monocle du général, resté entre ses paupières, comme un éclat d’obus dans sa figure vulgaire » – Marcel Proust, Du côté de chez Swann. « La mer est si bleue qu’il n’y a que le sang qui soit plus rouge. » – Françoise Soublin, Sur une règle rhétorique d’effacement. « Et nous alimentons nos aimables remords / Comme les mendiants nourrissent leur vermine » – Joaquim Du Bellay, Comme le champ semé en verdure foisonne. « Tu penches, grand Platane et te proposes nu, / Blanc comme un jeune Scythe » – Paul Valéry, Charmes. « Et cette terre était proche, et elle lui apparaissait comme un bouclier sur la mer sombre » – Homère, L’Odyssée.
2.1.2 La métaphore désigne une chose par une autre qui lui ressemble ou qui a une qualité similaire. On la confond souvent avec la comparaison dont la différence est qu’elle affirme une similitude alors que la métaphore la laisse deviner. La métaphore est ainsi plus subtile que la comparaison et n’utilise pas de mot-outil de comparaison. Aristote, le philosophe grec, est le premier à évoquer la métaphore comme procédé littéraire dans son ouvrage « Poétique ». Pour Cicéron, « la métaphore est une comparaison abrégée, et renfermée dans un mot mis à la place d’un autre ». Quand la langue ne permet pas d’exprimer correctement sa pensée, les métaphores sont « comme des espèces d’emprunts par lesquels nous allons trouver ailleurs ce qui nous manque. D’autres, plus hardies, ne sont pas des signes d’indigence, mais répandent de l’éclat sur le style ». On parle de « métaphore filée » lorsqu’elle est continuée durant toute une partie d’un texte. Exemples : « Il pleut des cordes » (expression populaire française). « la vieillesse est le soir de la vie » « Vieil Océan, ô grand célibataire. » – Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant I. « Cette faucille d’or dans le champ des étoiles » – Victor Hugo, La Légende des siècles, Booz endormi. « Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées » – Baudelaire, Spleen.
2.1.3 La personnification consiste à attribuer des propriétés humaines à un animal ou à une chose dans le but de les faire parler ou agir. Une personnification peut avoir plusieurs effets : un effet allégorique (on parle souvent d’allégorie dans ce cas plutôt que personnification) ou un effet anthropomorphique (humaniser un être ou une chose non-humaine). Exemples : « Avec quelle rigueur, Destin, tu me poursuis » – Jean Racine, Phèdre. « On craint qu’avec Hector Troie un jour ne renaisse » – Jean Racine, Andromaque. « Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s’amuser à faire des ombres » – Boris Vian, L’écume des jours. « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère. » Arthur Rimbaud, Une saison en enfer. « Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse » – Alfred de Vigny, Les Destinées, La Maison du Berger.
2.1.4 L’allégorie est une représentation indirecte qui emploie une personne, un être animé ou inanimé, une action, une chose, comme signe d’une autre chose, cette dernière étant généralement une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement. Il existe plusieurs allégories célèbres comme : L’allégorie de la caverne de Platon. L’allégorie de la mort : elle est représentée par un squelette armé d’une faux souvent nommée « La faucheuse ». L’allégorie de l’angoisse : le tableau « Le Cri » d’Edvard Munch
Exemples : « Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, / Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir, / Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, / Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir » – Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen LXXVIII. « L’Angleterre est un vaisseau. Notre île en a la forme : la proue tournée au Nord, elle est comme à l’ancre au milieu des mers, surveillant le continent » – Alfred de Vigny, Chatterton. « La Déroute, géante à la face effarée, / La Déroute apparut au soldat qui s’émeut, / Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut ! – Victor Hugo, L’Expiation. « Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. / Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant, / Noir squelette laissant passer le crépuscule. » – Victor Hugo, Les Contemplations. « Je veux peindre la France une mère affligée, / Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. » – Agrippa d’Aubigné – Les Tragiques.
2.1.5 L’image littéraire rapproche deux champs lexicaux similaires dans le but de donner plus de sens à la phrase. Elle peut ainsi détourner le sens initial des termes utilisés afin de créer une idée neuve. Exemples : « Le soleil noir » – Gerard de Nerval, El Desdichado. « Les souvenirs sont cors de chasse / Dont meurt le bruit parmi le vent » – Guillaume Apollinaire, Cors de chasse.
2.2 Les figures de substitution
2.2.1 La métonymie désigne une chose par un autre terme qui convient pour la reconnaître. Il existe une relation entre l’objet ou l’idée désignée et le terme, créant une relation de cause à effet, de contenant à contenu (exemple : boire un verre = le récipient pour le liquide), de l’artiste pour l’œuvre, de la ville pour ses habitants etc. Exemples : « Rodrigue, as-tu du cœur » – Pierre Corneille, Le Cid. « Cent voiles flottent à l’horizon. » « Consulter le Larousse. » « Il est monté sur le trône de fer » « Contempler un bronze de Rodin » (à propos d’une statue du célèbre sculpteur).
2.2.2 La synecdoque est un type particulier de métonymie qui assigne à un mot un sens plus large. Elle est généralement utilisée pour exprimer la partie pour le tout, l’espèce pour le genre, la matière pour l’objet ou le concret pour l’abstrait. Exemples : « Son vélo a crevé » (pour signifier que le pneu du vélo a crevé) « Le bateau crache une fumée noire » (pour signifier que la cheminée du bateau crache de la fumée) « Regarde le vison que je viens d’acheter » (pour signifier la fourrure de vison) « Respectez ses cheveux blancs » (respectez son grand âge) « Un troupeau de quarante têtes » (quarante animaux).
2.2.3 La périphrase est le fait de remplacer un mot par sa définition ou une expression plus longue ayant le même sens. Elle est souvent utilisée dans un but poétique ou métaphorique. Exemples : « La ville rose » (pour désigner Toulouse) « La langue de Shakespeare » (pour désigner la langue anglaise) « Le billet vert » (pour désigner le dollar américain) « Le roi soleil » (pour désigner Louis XIV) « Les forces de l’ordre » (pour désigner les policiers).
2.2.4 La personnification est le fait de représenter une chose ou un animal sous les traits d’un être humain. Elle permet par exemple de faire parler ou agir une chose inanimée. Exemples : « Avec quelle rigueur, Destin, tu me poursuis » – Jean Racine, Phèdre. « Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s’amuser à faire des ombres » – Boris Vian, L’écume des jours. « L’hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde » – Molière, Dom Juan. « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère. » Arthur Rimbaud, Une saison en Enfer. « […] la grande République Montrant du doigt les cieux ! » – Victor Hugo, Les Châtiments, À l’obéissance passive.
2.2.5 Le symbole est l’utilisation d’une image comme référence à quelque chose. Il permet de donner une image parlante sur une idée ou une chose. Exemples : « Le poète est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête » – Baudelaire, Les Fleurs du mal, L’Albatros. « Brûler d’une possible fièvre (…) / Aimer jusqu’à la déchirure (…) / Tenter, sans force et sans armure, / D’atteindre l’inaccessible étoile. » Jacques Brel.
2.2.6 L’hypallage consiste à lier deux termes syntaxiquement alors qu’on s’attendrait plutôt à voir l’un des deux lié à un troisième terme présent à proximité dans le texte. Exemples : « Un vieillard en or avec une montre en deuil » – Jacques Prévert (plutôt que la montre en or et le vieillard en deuil). « Les habitants de l’orgueilleuse Rome » – Jean Racine (au lieu des habitants orgueilleux de Rome). « Phèdre mourait, Seigneur, et sa main meurtrière / éteignait de ses yeux l’innocente lumière. » – Jean Racine, Phèdre (plutôt que « la lumière de ses yeux innocents »). « Comme passe le verre au travers du soleil. » – Paul Valéry, Intérieur. « L’équipe marqua le seul but du match sur un coup de pied arrêté. ».
2.2.7 Le cliché est l’usage d’une image usée, qu’on rapproche du stéréotype. Par son usage répété, l’expression est considérée comme obsolète, voire ringarde. On fait souvent référence au bon mot de Gérard de Nerval à ce propos : « Le premier homme qui a comparé une femme à une fleur était un poète, le deuxième un imbécile ». Gustave Flaubert les recense dans son Dictionnaire des idées reçues. Exemples : « Des cheveux d’or ». « Avoir le coeur sur la main ». « La neige étend son blanc manteau ».
2.2.8 L’antonomase est le fait d’utiliser un nom propre comme un nom commun ou un nom commun comme un nom propre. On peut aussi remplacer un nom par une périphrase. Exemples : « La capitale de la France » (pour désigner Paris). « Un dom juan » (pour désigner un séducteur). « Un gavroche » (pour désigner un enfant pauvre, en référence au célèbre personnage de Victor Hugo). « Une poubelle » (pour désigner l’objet qui a peu à peu pris le nom de son inventeur). « Le Prince des poètes » (pour désigner Pierre de Ronsard).
2.3 Les figures d’insistance ou d’exagération
2.3.1 L’hyperbole consiste à exagérer, amplifier une idée ou une réalité, dans le but de la renforcer et la mettre en avant. Elle fait en général référence à quelque chose d’impossible, dans un but ironique ou de dramatisation. Exemples : « Je meurs de soif ». « Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect général de la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné. » – Honoré de Balzac, La Fille aux yeux d’or. « Je n’ai plus que la peau sur les os ». « Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. » – La Fontaine, Le Corbeau et le renard « Semble élargir jusqu’aux étoiles / Le geste auguste du semeur. » – Victor Hugo, Les Chansons des rues et des bois, Saison des semailles.
2.3.2 L’accumulation est l’énumération de plusieurs termes appartenant à la même catégorie dans le but de créer un effet d’amplification. Exemples : « Adieu, veau, vache, cochon, couvée. » – La Fontaine, La Laitière et le Pot de Lait. « Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé, / Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé (…) » – Charles Baudelaire, Le Flacon. « Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. » – Voltaire, Candide.
2.3.3 La gradation est une énumération allant croissant ou décroissant en termes d’intensité. Elle permet de créer un effet d’intensification ou de diminution progressive de la force du propos. Exemples : « Va, cours, vole, et nous venge. » – Corneille, Le Cid. « C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap ! / Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule ! » – Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand. « C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. » – Molière, L’Avare. « Vous voulez qu’un roi meure, et pour son châtiment / Vous ne donnez qu’un jour, qu’une heure, qu’un moment ! » – Racine, Andromaque. « Ah ! Oh ! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé, je suis administré, je suis enterré » – Alfred Jarry, Ubu roi.
2.3.4 L’anaphore est la répétition du même terme ou de la même expression en début de phrase et à plusieurs reprises. Elle permet de marteler une idée. Exemples : « Patience, patience, / Patience dans l’azur ! / Chaque atome de silence / Est la chance d’un fruit mûr ! » – Paul Valéry, Palme in Charmes. « Rome, l’unique objet de mon ressentiment ! / Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant ! / Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore ! / Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore ! » – Corneille, Horace, Camille. « Adieu tristesse / Bonjour tristesse / Tu es inscrite dans les lignes du plafond / Tu es inscrite dans les yeux que j’aime » – Paul Éluard, À peine défigurée in La vie immédiate. « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! » – Charles de Gaulle, extrait du discours du 25 août 1944 suite de la libération de Paris.
2.3.5 Le parallélisme est une apposition de deux constructions de phrase identiques dans un texte. Exemples : « Innocents dans un bagne, anges dans un enfer. » – Victor Hugo, Les Contemplations. « Femme nue, femme noire, / Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté. » – Léopold Sédar Senghor, Femme noire. « Mon cheval sera la joie / Ton cheval sera l’amour » – Victor Hugo, La Légende des siècles, Les Chevaliers errants, Éviradnus, XI : Un peu de musique.
2.3.6 L’épanadiplose est la reprise à la fin d’une phrase du même mot que celui utilisé en début de phrase. Exemples : « L’homme peut guérir de tout, non de l’homme » – Georges Bernanos. « Mais elle était du monde, où les plus belles choses / Ont le pire destin, / Et rose elle a vécu ce que vivent les roses / L’espace d’un matin. » – François de Malherbe, Consolations à M. du Périer. « Trop d’impôt tue l’impôt ». « L’homme peut guérir de tout, non de l’homme. » – Georges Bernanos, Nous autres Français. « L’enfance sait ce qu’elle veut. Elle veut sortir de l’enfance. » – Jean Cocteau, La difficulté d’être.
2.3.7 L’épanalepse, à ne pas confondre avec l’épanadiplose, est la reprise d’un groupe de mot au début d’une proposition. Exemples : « Ô triste, triste était mon âme / À cause, à cause d’une femme. » – Verlaine, Romances sans paroles. « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace… » – Danton, Discours le 2 septembre 1792. « Je suis gai ! Je suis gai ! Vive le vin et l’art !… » – Émile Nelligan, La Romance du vin dans Poésies complètes.
2.3.8 L’épiphore est la reprise d’un mot ou d’un groupe de mot dans plusieurs phrases (ou vers) qui se suivent. Elle est utilisée pour créer un effet rythmique et insister sur un mot en particulier à l’aide de la répétition. Exemples : « Longue comme des fils sans fin, la longue pluie / Interminablement, à travers le jour gris, / Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris, / Infiniment, la pluie, / La longue pluie, / La pluie. » – Émile Verhaeren, Les Villages illusoires, La pluie. « Moi qui n’ai jamais prié Dieu / Que lorsque j’avais mal aux dents / Moi qui n’ai jamais prié Dieu / Que quand j’ai eu peur de Satan / Moi qui n’ai prié Satan / Que lorsque j’étais amoureux / Moi qui n’ai prié Satan / Que quand j’ai eu peur du Bon Dieu » – Jacques Brel, La Statue. « Je veux que chacune et chacun puisse travailler dans notre pays plus facilement, que les entrepreneurs embauchent plus facilement, que les entrepreneurs investissent plus facilement, mais que chacune et chacun puisse aussi travailler plus facilement et soit mieux récompensé de son travail. » – Emmanuel Macron, Discours de Clermont-Ferrand, 7 janvier 2017.
2.4 Les figures d’atténuation
2.4.1 L’euphémisme désigne le fait d’atténuer une idée ou une réalité. Il s’oppose à l’hyperbole. Exemples : « Troisième âge » pour désigner les personnes âgées. « Personne modeste » pour désigner une personne pauvre. « Non-voyant » pour désigner un aveugle. « Vivre est un village où j’ai mal rêvé. » : formule de Aragon pour dire que le monde est pour lui un enfer après deux guerres mondiales.
2.4.2 La litote consiste à dire moins pour suggérer davantage. Elle prend souvent la forme d’une formulation négative et s’oppose à l’euphémisme. La litote en tant que style d’écriture en français a été très populaire aux XVIIème et XVIIIème siècles. « Le classicisme – et par là j’entends : le classicisme français – tend tout entier vers la litote. C’est l’art d’exprimer le plus en disant le moins. » disait à ce propos André Gide. Exemples : « Il n’est pas complètement stupide. » (il est très intelligent) « Va, je ne te hais point » – Corneille, Le Cid. « Mais vous ne voyez pas que Monsieur Jourdain, Madame, mange tous les morceaux que vous touchez. » – Molière, Le Bourgeois Gentilhomme. « Je ne dis pas non » (j’accepte avec plaisir). « Ensuite la mousquèterie ôta du meilleur des mondes neuf à dix mille coquins… » – Voltaire, Candide.
2.5 Les figures d’opposition
2.5.1 L’antiphrase est le fait de dire le contraire de ce que l’on pense, dans un but ironique. L’ironie évidente ainsi que le contexte permet de comprendre que c’est une antiphrase plutôt que la véritable pensée de la personne. Exemples : « Tu es arrivé en retard à ton rendez-vous ? Ah, bravo ! » « C’est malin ! » (pour signifier le contraire) « Tout ce joli monde se retrouvera là-haut / Près du bon dieu des flics » – Jacques Prévert, Paroles, Le Temps des noyaux.
2.5.2 L’antithèse consiste à rapprocher deux termes qui s’opposent pour en renforcer le contraste. Exemples : « Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l’oblige. Sans raison il est gai, sans raison il s’afflige. » – Boileau, Satires. « J’aime la liberté et languis en service, […] Je n’aime point la cour et me faut courtiser… » – Joachim du Bellay, Les Regrets. « Il a l’air vivace et maladif. » – Victor Hugo, Les Misérables. « Je suis au cœur du temps et je cerne l’espace. » – Paul Éluard, L’amour la poésie. « L’une est moitié suprême et l’autre subalterne. » – Molière, L’école des femmes.
2.5.3 L’oxymore est le fait de rapprocher deux termes dont le rapprochement est inattendu et crée une formule en apparence contradictoire. Exemples : « Éphémère immortel » – Paul Valéry, Charmes. « Le superflu, chose très nécessaire » – Voltaire, Le Mondain. « À travers la noirceur de l’ombre, qui cache la mer et les cieux, / Une clarté blafarde et sombre, fait voir l’une et l’autre à nos yeux » – Madeleine de Scudéry, Le Cabinet. « (…) de grandes vaches se déplaçaient avec lenteur dans un silencieux tintement de clochettes » – Alain Robbe-Grillet, Le miroir qui revient. « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles / Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; » – Corneille, Le Cid.
2.5.4 Le chiasme est composé de deux expressions qui se suivent, mais la deuxième adopte l’ordre inverse de la première (A – B / B’ – A’). Exemples : « Parler en mangeant, manger en parlant » – Balzac « Tu m’emmènes, je t’enlève… » – Victor Hugo, La Légende des siècles. « Ayant le feu pour père, et pour mère la cendre. » – Agrippa d’Aubigné. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » – Jean de La Fontaine, Les animaux malades de la Peste. « Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre. » – Gandhi.
2.5.5 Le paradoxe en tant que figure de style est le fait d’énoncer une idée qui va à l’encontre de l’opinion commune, dans le but de choquer ou d’interpeler. Exemples : « De nombreux enfants au Q.I. très élevé sont en échec scolaire » « Paris est tout petit, c’est là sa vraie grandeur. » – Jacques Prévert. « L’ascension procède du vide » – Novalis
2.6 Les figures de rupture
2.6.1 Le zeugme (ou zeugma) est une ellipse d’un mot ou d’un groupe de mots qui devraient être normalement répétés, ce qui a pour conséquence de mettre sur le même plan syntaxique deux éléments appartenant à des registres sémantiques différents. On rattache deux éléments appartenant à un registre sémantique différent en les liant à un terme commun. Exemples : « Vêtu de probité candide et de lin blanc » – Victor Hugo, Booz endormi. « Il croyait à son étoile et qu’un certain bonheur lui était dû. » – André Gide. « Ils savent compter l’heure et que la terre est ronde. » – Musset. « Les marchands de boisson et d’amour. » – Guy de Maupassant. « Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours. » – Guillaume Apollinaire, Alcools.
2.6.2 L’anacoluthe est une rupture de la construction syntaxique d’une phrase. La phrase ne suit alors pas la logique habituelle de la construction syntaxique. Exemples : « Exilé sur le sol au milieu des huées / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher » – Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, L’Albatros. « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face de la terre en eût été changée. » – Pascal, Pensées. « Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera : / Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. » – Jean Racine, Les Plaideurs. « Toutes les dignités que tu m’as demandées, / Je te les ai sur l’heure et sans peine accordées. » – Pierre Corneille, Cinna. « Étourdie, ivre d’empyreumes, / Ils m’ont, au murmure des neumes, / Rendu des honneurs souverains. » – Paul Valéry, La Pythie.
2.6.3 L’ellipse consiste à omettre volontaire un mot ou un groupe de mot logiquement nécessaires à la construction de la phrase. Exemples : « L’Oréal, parce que je le vaux bien » « Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. » – Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit. « Je n’avance guère. Le temps beaucoup. » – Eugène Delacroix. « La musique souvent me prend comme une mer ! / […] / … D’autres fois, calme plat, grand miroir / De mon désespoir ! » – Charles Baudelaire, La Musique dans Les Fleurs du mal. 2.6.4 L’asyndète Définition : une asyndète est le fait de supprimer les liens logiques et les conjonctions de coordination dans une phrase. Exemples : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » – Jules César. « Cette triste femme contemplait avec douceur les enfants, les bébés. » – Marie-Claire Blais, Une saison dans la vie d’Emmanuel. « Métro, boulot, dodo » « Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet ; tout lui est familier, rien ne lui est nouveau ; il s’assit, il se repose, il est chez soi ; » – La Bruyère, Les Caractères.
2.7 Les figures qui jouent sur les sons (reprise ou proximité des sons)
2.7.1 L’assonance est le fait de répéter les mêmes voyelles ou le même son dans un phrase ou plusieurs vers. Elle s’oppose à la contre-assonance qui est la répétition des voyelles en fin de phrase (brise / vase). Exemples : « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » – Paul Verlaine, Poèmes saturniens. « Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. » – Racine, Phèdre. « Quelqu’un pleure sa douleur / Et c’est mon cœur ! » – Émile Nelligan, Quelqu’un pleure dans le silence. « Lève, Jérusalem, lève ta tête altière » – Jean Racine
2.7.2 L’allitération est légèrement différente de l’assonance. Elle consiste à une répétition de sons formés à l’aide de consonnes et non de voyelles. Les allitérations font souvent l’objet de virelangues. Exemples : « Voilà ! Vois en moi l’image d’un humble vétéran de vaudeville, distribué vicieusement dans les rôles de victime et de vilain par les vicissitudes de la vie. Ce visage, plus qu’un vil vernis de vanité, est un vestige de la vox populi aujourd’hui vacante, évanouie. Cependant, cette vaillante visite d’une vexation passée se retrouve vivifiée et a fait vœu de vaincre cette vénale et virulente vermine vantant le vice et versant dans la vicieusement violente et vorace violation de la volition. Un seul verdict : la vengeance. Une vendetta telle une offrande votive mais pas en vain car sa valeur et sa véracité viendront un jour faire valoir le vigilant et le vertueux. [Il rit] En vérité, ce velouté de verbiage vire vraiment au verbeux alors laisse-moi simplement ajouter que c’est un véritable honneur que de te rencontrer. Appelle-moi V. » – Lana et Lilly Wachowski, V pour Vendetta. « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » – Racine, Andromaque. « Dans les trois jours, voilà le tac-tac-tac / Des mitraillettes qui reviennent à l’attaque » – Serge Gainsbourg, Bonnie and Clyde. « La rue assourdissante autour de moi hurlait » – Baudelaire, Les Fleurs du mal, À une passante.
2.7.3 La paronomase est le fait de rapprocher deux homonymes (qui se prononcent pareil) ou deux paronymes (qui se prononcent presque pareil). Exemples : « Comme la vie est lente / Et comme l’Espérance est violente » – Guillaume Apollinaire, Alcools, Le Pont Mirabeau. « Qui se ressemble s’assemble » « Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,/ Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur. » – Corneille, Le Cid. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – François Rabelais, Pantagruel. « De Gaulle comme une invocation, de Gaulle comme une provocation, de Gaulle comme une vocation » – discours prononcé par François Hollande le 27 mai 2015 au Panthéon lors de la cérémonie d’hommage à Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay.
2.7.4 L’homéotéleute est le fait de répéter un son à la fin de plusieurs mots successifs. Exemples : « Cette tour était la flèche la plus hardie, / la plus ouvrée, / la plus menuisée, / la plus déchiquetée, / qui ait jamais laissé voir le ciel / à travers son cône dentelle » – Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. « …pipeur, buveur de pavés, ribleur s’il en était à Paris… » – Rabelais, Pantagruel. « Et il frissonne, sans personne !… » – Jules Laforgue, L’Hiver. « …un parler (…) non pédantesque, non fratesque [de moine], non plaideresque, mais plutôt soldatesque… » — Montaigne, Essais. « Temps passés / Trépassés Les dieux qui me formâtes / Je ne vis que passant ainsi que vous passâtes » – Guillaume Apollinaire, Cortège, Alcools.
2.8 Les figures jouant sur le discours
2.8.1 La prosopopée consiste à faire parler un mort, un animal ou une chose. Elle est similaire à la personnification même si le fait de faire parler quelque chose ne la change pas en personne. La prosopopée est utilisée fréquemment dans les textes juridiques comme par exemple dans la Constitution américaine : « Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite… ». Exemples : « Je suis la pipe d’un auteur ; / On voit, à contempler ma mine, / D’Abyssinienne ou de Cafrine, / Que mon maître est un grand fumeur. » – Charles Baudelaire. « Écoutez. Je suis Jean. J’ai vu des choses sombres. » – Victor Hugo, Les Contemplations.
2.8.2 La prétérition est le fait de parler de quelque chose après avoir annoncé que vous n’en parlerez pas. Exemples : « Je n’essaierai donc pas de vous décrire quel sombre enthousiasme se manifesta dans l’armée insurgée après l’allocution de Biassou. Ce fut un concert distordant de cris, de plaintes, de hurlements. Les uns se frappaient la poitrine, les autres heurtaient leurs massues et leurs sabres… » -Victor Hugo, Bug-Jargal. « Monsieur de La Rochefoucauld, pour ne pas le nommer… » « Inutile de vous présenter monsieur Dupont. » « Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n’a pas de fange encore, elle a des taches ; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va tomber en pourriture. » –Balzac, Le Père Goriot. « Aussi, en fait de détails atroces, mon livre n’ajoutera-t-il rien à ce que les lecteurs du monde entier savent déjà sur l’inquiétante question des camps d’extermination. Je ne l’ai pas écrit dans le but d’avancer de nouveaux chefs d’accusation, mais plutôt pour fournir des documents à une étude dépassionnée de certains aspects de l’âme humaine. (…) Il me semble inutile d’ajouter qu’aucun des faits n’y est inventé. » – Primo Levi, Préambule de Si c’est un homme.
2.8.3 La question rhétorique est une fausse question généralement dans le but de maintenir l’intérêt de son interlocuteur. Exemples : « Fit-il pas mieux que de se plaindre ? » -La Fontaine, Le Renard et les Raisins. « Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? » – Molière, Dom Juan. « Mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels ? » – Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves. « Ah ! Fallait-il en croire une amante insensée ? Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? » – Jean Racine, Andromaque. « Qu’y a-t-il de plus vivant que les troupeaux ? » – Henri Michaux, Passages.
Informations et définitions d’après le site de la langue française